Noël au Japon, c’est comment ? (クリスマス)

Ah, Noël. Les Français bâtissent une crèche de santons, les Américains transforment leur maison en cabane du père Noël, les Australiens le fêtent sur une plage avec une planche de surf et un bonnet rouge et blanc, et les Ukrainiens décorent leur sapin de fausses toiles d’araignée. Aujourd’hui, nous allons tourner notre objectif vers le pays du soleil levant et faire un petit tour d’horizon du Noël japonais.

Sommaire

  • La Saint-Valentin japonaise.
  • La folie des illuminations.
  • C’est le repas de Noël, on se fait un KFC ?
  • Le gâteau, l’incontournable.
  • Les meilleurs endroits où passer Noël au Japon.

Noël, ou kurisumasu (クリスマス, qui vient de l’anglais Christmas) est une fête qui est apparue assez tard au Japon. La première messe de Noël aurait été donnée aux alentours de 1550, mais très vite la religion chrétienne est interdite et on n’entendra plus parler de cette fête pendant plus de deux cents ans. Ce n’est que dans le début des années 1900, après que la religion chrétienne fut réhabilitée, que le premier sapin de Noël est exposé dans le quartier de Ginza, à Tokyo. L’imagerie de la fête se diffuse alors progressivement, d’abord dans les hôtels et les grands magasins, jusqu’à devenir un des évènements les plus extravagants du Japon.

La Saint-Valentin japonaise.


A l’inverse de la France, le Japon ne considère pas Noël comme une fête de famille. Cette place sera plutôt réservée au nouvel an ou à Obon, le festival consacré aux personnes décédées. Bien que certains parents à l’instar de chez nous organisent une petite fête et préparent des cadeaux pour leurs enfants, Noël reste principalement une journée où on se retrouve entre amis, voire le plus souvent en amoureux. Ces derniers sont les principaux visés par les grands magasins et la restauration. Le nombre de ventes dans les bijouteries flambe, les restaurants proposent des menus spéciaux réservés aux couples, des forêts de sapins illuminés poussent dans les centres commerciaux. Tout est fait pour donner envie aux Japonais de passer une soirée romantique avec leur moitié.


Et c’est d’ailleurs un point qui peut être problématique. En effet, si Noël est le moment rêvé pour demander sa belle en mariage, il peut vite devenir un enfer pour les personnes n’ayant pas encore trouvé l’âme sœur. Beaucoup de Japonais célibataires préfèrent éviter de sortir durant cette période car le nombre florissant de couple se tenant amoureusement par le bras dans la rue ne fait que renforcer leur sentiment de solitude. Certains décident aussi de forcer la chance en s’inscrivant sur des sites de rencontres, en précisant « je souhaite trouver l’amour avant Noël », ou en organisant des gôkon, des soirées pour célibataires. Beaucoup de ces couples ne durent d’ailleurs pas bien longtemps. Une fois l’effervescence de Noël passé, beaucoup n’arrive pas à entretenir la flamme qui commençait à brûler dans la cheminée de leur cœur.

La folie des illuminations.


Pour attirer les couples, rien de tel que des endroits de rêvent ampli de romantisme. Les quartiers commerçant l’ont parfaitement compris et ils n’hésitent pas à dépenser la majeure partie de leur budget décoration dans cette fête hivernale. Bien qu’il soit difficile d’estimer le coût total des décorations de Noël pour chaque bâtiment, on peut cependant avoir une idée du montant de leur facture d’électricité.


La Tokyo Sky Tree, la plus haute tour de Tokyo, dépense hors période de fête environ 4 740 euros par mois en frais d’électricité pour illuminer ses quelque 1955 ampoules LED. La tour de Tokyo consomme environ la même chose. Certes, les ampoules des guirlandes de Noël sont moins grandes et de ce fait moins gourmandes en énergies. Mais elles sont en plus grand nombre. Pour vous donner un ordre d’idées, il aura fallu 1 200 000 ampoules pour décorer les 400 mètres d’arbre illuminés pour l’évènement « Roppongi Hills Artelligent Christmas » en 2015. Il aura couté en énergie près de 3 000 euros en un mois. À cela, il faut bien sûr rajouter les frais d’installation, d’entretien, de stockage hors période d’exposition, et les nouveaux achats annuels pour rendre le spectacle toujours plus imposant.


Mais cela en vaut la peine. Cette année-là, c’est près de 7 millions de personnes qui sont venu admirer le spectacle. Le côté grandiose des illuminations pousse les couples à sortir de chez eux, et c’est tout naturellement qu’ils chercheront ensuite à se réchauffer dans un restaurant ou un grand magasin avoisinant. Autant dire que les frais engagés sont très vite rentabilisés. Ce qui rend ces lumières tellement romantiques, c’est l’effet qu’elles ont sur notre cerveau. En effet, un clignotement ou un vacillement de lumière provoque des rétrécissements et des agrandissements de nos pupilles. Comme le même phénomène se produit lorsque l’on est en face de l’être aimé, notre cerveau a tendance à confondre les informations et à libérer les mêmes substances chimiques dans notre corps. Pensez-y lors de votre prochain rendez-vous aux chandelles !

C’est le repas de Noël, on se fait un KFC ?


Qu’est-ce qui pourrait remplacer nos traditionnels foies gras, chapons, et huîtres ? Le poulet frit de KFC bien sûr ! Oui, un fast-food.Mais ne criez pas tout de suite au scandale. Au fil des ans, Kentucky (ケンタッキー, de son nom japonais) a réussi à faire du poulet frit le remplaçant officiel de la dinde de Noël dans le pays grâce à un marketing de génie. La population chrétienne ne dépassant pas les 3% au Japon, le pays n’avait pas vraiment de tradition culinaire de Noël à proprement parler.


C’est en 1970, quelques mois seulement après l’ouverture du premier KFC que Takeshi Okawara, gérant du premier restaurant KFC au Japon, a eu l’idée de vendre un « baril de fête » de Noël pour répondre à la demande de plusieurs étrangers venus dans son établissement. En effet, ils regrettaient de ne pas pouvoir manger de la dinde au Japon pour Noël. Il a alors pensé qu’à défaut de dinde, le poulet frit serait une option. Quatre ans plus tard, la promotion de son idée est passée à l’échelle nationale sous le nom de Kurisumasu ni wa Kentakkii (クリスマスにはケンタッキー, « Pour Noël, du KFC »). La campagne a fait fureur. En effet, elle a comblé le vide créé par une fête sans traditions établies. De nos jours, même si la plupart des Japonais précommandent leurs menus, il n’est pas rare de voir des files de personnes pouvant durer plusieurs heures devant les KFC les 24 et 25 décembre. On compte chaque année entre 3 et 4 millions de familles japonaises qui consomment du KFC pendant la période de Noël.


Les plats proposés sont renouvelés chaque année, et si vous passez vos fêtes de fin d’année au Japon en 2020, vous pourrez pour la modique somme de 32 euros déguster huit morceaux de poulet frits, un gratin de crevette et un tiramisu aux trois fruits rouges, le tout dans un bucket et une assiette aux couleurs de Noël. Pensez cependant à réserver votre menu car les salles à manger seront fermée les 24 et 25 en raison de la covid-19

Le gâteau, l’incontournable.


Bien que les Japonais soient d’ordinaire friands de gâteaux roulés, notre traditionnelle buche de Noël n’est pas la référence en termes de pâtisserie au Japon. On lui préfère de loin le short cake (ショートケーキ), un dérivé nippon de notre fraisier composé de plusieurs étages de génoise ou de gâteau mousseline entre lesquels on glisse un peu de sirop à la fraise, de crème fouettée et des fraises fraîches, avant de recouvrir le tout d’encore plus de crème fouettée et de fraises. Après tout, il n’y a jamais trop de crème et de fraise. Cette dernière est d’ailleurs un fruit d’hiver au Japon, ce qui explique sa prédominance dans les pâtisseries de cette saison. C’est aussi un des fruits les plus appréciés par les Japonais.


Le short cake connaît de nombreuses variantes, en rajoutant d’autres fruits dans la préparation par exemple. On trouve aussi des génoises aromatisées au matcha, le thé vert moulu, ou au chocolat. Dans ce dernier cas, la crème est souvent aromatisée également.
Le gâteau au chocolat est d’ailleurs un sérieux concurrent au short cake. En troisième position, on retrouve souvent les cheese cake, gâteau au fromage, et ses dérivés.


Les Japonais ne préparent pas généralement ces gâteaux eux-même. La plupart préfèrent laisser cette tâche aux nombreuses pâtisseries présentes sur l’archipel. Pâtisseries qui d’ailleurs n’hésitent pas à jouer sur la corde du romantisme en donnant à leurs créations des noms bien français comme busshu do noeru (ブッシュ・ド・ノエル, bûche de Noël), ruuju do rea (リージュ・ド・レア, rouge de Léa), noeru abusoryu (ノエル・アブソリュ, Noël absolu), ou encore gatoo shokora kurashikku (ガトーショコラ・クラシック, gâteau chocolat classique).
A cause de l’énorme demande durant cette période, beaucoup d’entre elles proposent de réserver son gâteau à l’avance. La plupart des magasins prennent les réservations de fin novembre à mi-décembre, voire même jusqu’au 20 pour certaines d’entre elles, et les gâteaux sont disponibles entre le 21 et le 25. Certaines enseignes sortent également des étals de gâteaux à l’extérieur pour permettre aux clients de faire leurs achats sans submerger le magasin.

Les meilleurs endroits où passer Noël au Japon.


Si vous avez l’occasion de passer vos fêtes de fin d’année au pays du soleil levant, voici quelques-uns des plus jolis endroits où aller pour un Noël magique.
La région de Tokyo : si vous êtes sur Tokyo et que vous ne pouvez pas vous déplacer, Roppongi Hills cité plus haut est l’un des endroits où vous devriez vous rendre. En plus des illuminations féériques, il y a beaucoup de restaurants chics aux alentours ainsi que des événements durant toute la période de Noël. Pour ceux qui préfèrent s’amuser, Yomiuri Land est une option parfaite. Vous pourrez profiter de ce parc d’attractions en journée et, la nuit tombée, vous laisser subjuguer par les jeux d’eau et de lumière des spectacles qui ont lieu toutes les quinze minutes. C’est par ailleurs le plus grand spot d’illumination de toute la région du Kanto.


Yokohama : chaque année, près du célèbre Yokohama Red Brick Wharehouse, un charmant petit village de Noël inspiré de ceux que l’on trouve en Allemagne est mis en place. Après avoir pris une photo devant l’imposant sapin de 10 mètres de haut qui trône au bout du village, vous pourrez aller glisser sur la patinoire construite à proximité, ou vous balader main dans la main le long des rives de la baie de Yohohama. Le village est accessible gratuitement en semaine ainsi que pour les enfants.


Hokkaido : si avoir un Noël blanc fait partie de votre bucket list, c’est Hokkaido qui devrait avoir toute votre attention. En plus des sports d’hiver, des lacs gelés sur lequel sont construits des bars-igloo où tout est fabriqué en glace, et des sources chaudes au milieu de paysages enneigés, vous pourrez faire un tour du côté du parc shiroi koibito (白い恋人, les amoureux blancs). C’est un parc à thèmes autour de cette sucrerie typique de la région. Hormis les illuminations et l’architecture sublime de l’usine, vous pourrez également profiter d’un atelier fabrication de confiserie. Bien sûr, vous pourrez également y déguster votre gâteau de Noël, si vous avez pensé à le réserver. L’entrée du parc coûte environ 12 euros par adulte, 9,50 euros pour les enfants et est gratuite pour les bébés de moins de 3 ans.

Conclusion :


Noël est devenu, malgré son peu de profondeur religieuse, une fête incontournable au Japon. Même si la fin d’année peut se montrer difficile pour les personnes seules, elle est de façon générale une période faste et empreinte de magie. Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à vous rendre au Japon pendant les fêtes, et laissez-vous emporter par les jeux de lumière, la nourriture et la musique qui s’échappe des magasins. Le kurisumasu nippon saura réchauffer vos cœurs malgré le froid ambiant.


Merii kurisumasu ! (メリークリスマス, Joyeux Noël!)

Rika, 12/12/2020

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